Discours de Vladimir Poutine prononcé le 10 février 2007 à la Conférence de Munich sur la sécurité
(Texte intégral) Madame la chancelière
fédérale, Monsieur Teltschik, Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie pour
cette invitation à participer à une conférence aussi représentative, qui a
réuni hommes politiques, militaires, entrepreneurs et experts de plus de 40
pays du monde.
Le format de conférence me permet d'éviter les formules de politesse superflues et de
recourir aux clichés diplomatiques aussi agréables à entendre que vides de
sens. Le format de la conférence me permet de dire ce que je pense des
problèmes de la sécurité internationale et, si mes jugements vous semblent
inutilement polémiques ou même imprécis, je vous demande de ne pas m'en vouloir.
Ce n'est qu'une conférence et j'espère que dans deux ou trois minutes Monsieur Teltschik n'allumera pas la "lampe rouge".
On sait que les problèmes de la sécurité internationale sont bien plus larges que ceux de la
stabilité militaro-politique. Ces problèmes concernent la stabilité de
l'économie mondiale, la lutte contre la pauvreté, la sécurité économique et le
développement du dialogue entre les civilisations.
Ces paroles restent valables aujourd'hui. D'ailleurs, le sujet de notre conférence en témoigne:
"Les crises globales impliquent une responsabilité globale".
Il y a vingt ans, le monde était divisé sur le plan économique et idéologique et sa sécurité était
assurée par les potentiels stratégiques immenses des deux superpuissances.
La confrontation globale reléguait les problèmes économiques et sociaux urgents à la périphérie
des relations internationales et de l'agenda mondial. De même que n'importe
quelle guerre, la guerre froide nous a laissé, pour ainsi dire, des "obus
non explosés". Je pense aux stéréotypes idéologiques, aux doubles
standards et autres clichés hérités de la mentalité des blocs.
Le monde unipolaire
proposé après la guerre froide ne s'est pas non plus réalisé.
Certes, l'histoire de
l'humanité a connu des périodes d'unipolarité et
d'aspiration à la domination mondiale. L'histoire de l'humanité en a vu de
toutes sortes.
Qu'est ce qu'un monde
unipolaire? Malgré toutes les tentatives d'embellir ce terme, il ne signifie en
pratique qu'une seule chose: c'est un seul centre de pouvoir, un seul centre de
force et un seul centre de décision.
C'est le monde d'un
unique maître, d'un unique souverain. En fin de compte, cela est fatal à tous
ceux qui se trouvent au sein de ce système aussi bien qu'au souverain lui-même,
qui se détruira de l'intérieur.
Bien entendu, cela
n'a rien à voir avec la démocratie, car la démocratie, c'est, comme on le sait,
le pouvoir de la majorité qui prend en considération les intérêts et les opinions
de la minorité.
J'estime que le
modèle unipolaire n'est pas seulement inadmissible pour le monde contemporain,
mais qu'il est même tout à fait impossible. Non seulement parce que, dans les
conditions d'un leader unique, le monde contemporain (je tiens à le souligner:
contemporain) manquera de ressources militaro-politiques et économiques. Mais,
et c'est encore plus important, ce modèle est inefficace, car il ne peut en
aucun cas reposer sur la base morale et éthique de la civilisation
contemporaine.
Cependant, tout ce
qui se produit actuellement dans le monde - et nous ne faisons que commencer à
discuter à ce sujet - est la conséquence des tentatives pour implanter cette
conception dans les affaires mondiales: la conception du monde unipolaire.
Les actions
unilatérales, souvent illégitimes, n'ont réglé aucun problème. Bien plus, elles
ont entraîné de nouvelles tragédies humaines et de nouveaux foyers de tension.
Jugez par vous-mêmes: les guerres, les conflits locaux et régionaux n'ont pas
diminué. Monsieur Teltschik l'a mentionné d'une
manière très délicate. Les victimes de ces conflits ne sont pas moins
nombreuses, au contraire, elles sont bien plus nombreuses qu'auparavant.
Nous sommes en
présence de l'emploi hypertrophié, sans aucune entrave, de la force - militaire
- dans les affaires internationales, qui plonge le monde dans un abîme de
conflits successifs. Par conséquent, aucun des conflits ne peut être réglé dans
son ensemble. Et leur règlement politique devient également impossible.
Nous sommes témoins
d'un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit
international. Bien plus, certaines normes et, en fait, presque tout le système
du droit d'un seul Etat, avant tout, bien entendu, des Etats-Unis, a débordé de
ses frontières nationales dans tous les domaines: dans l'économie, la politique
et dans la sphère humanitaire, et est imposé à d'autres Etats. A qui cela
peut-il convenir?
Dans les affaires
internationales, on se heurte de plus en plus souvent au désir de régler tel ou
tel problème en s'inspirant de ce qu'on appelle l'opportunité politique, fondée
sur la conjoncture politique.
Evidemment, cela est
très dangereux, personne ne se sent plus en sécurité, je tiens à le souligner,
parce que personne ne peut plus trouver refuge derrière le droit international.
Evidemment, cette politique est le catalyseur de la course aux armements.
La domination du
facteur force alimente inévitablement l'aspiration de certains pays à détenir
des armes de destruction massive. Qui plus est, on a vu apparaître des menaces
foncièrement nouvelles qui étaient connues auparavant, mais qui acquièrent
aujourd'hui un caractère global, par exemple, le terrorisme.
Je suis certain qu'en
ce moment crucial il faut repenser sérieusement l'architecture globale de la
sécurité.
Il faut rechercher un
équilibre raisonnable des intérêts de tous les acteurs du dialogue
international. D'autant plus que le "paysage international" change
très rapidement et substantiellement en raison du développement dynamique de
toute une série d'Etats et de régions.
Mme la chancelière
fédérale l'a déjà mentionné. Ainsi, le PIB commun de l'Inde et de la Chine en parité de pouvoir d'achat dépasse
déjà celui des Etats-Unis. Le PIB des Etats du groupe BRIC - Brésil, Russie,
Inde et Chine - évalué selon le même principe dépasse le PIB de l'Union
européenne tout entière. Selon les experts, ce fossé va s'élargir dans un
avenir prévisible.
Il ne fait pas de
doute que le potentiel économique des nouveaux centres de la croissance
mondiale sera inévitablement converti en influence politique, et la
multipolarité se renforcera.
Le rôle de la
diplomatie multilatérale s'accroît considérablement dans ce contexte.
L'ouverture, la transparence et la prévisibilité en politique n'ont pas
d'alternative raisonnable et l'emploi de la force doit effectivement être une
ultime mesure, de même que la peine de mort dans les systèmes judiciaires de
certains Etats.
Aujourd'hui, au
contraire, nous observons une situation où des pays dans lesquels la peine de
mort est interdite même à l'égard des assassins et d'autres dangereux criminels
participent allégrement à des opérations militaires qu'il est difficile de
considérer comme légitimes et qui provoquent la mort de centaines, voire de
milliers de civils!
Une question se pose
en même temps: devons-nous rester impassibles face à divers conflits intérieurs
dans certains pays, aux actions des régimes autoritaires, des tyrans, à la
prolifération des armes de destructions massive? C'est le fond de la question
posée à la chancelière fédérale par Monsieur Lieberman,
notre vénérable collègue. Ai-je bien compris votre question (dit-il en
s'adressant à Joseph Lieberman)? Bien entendu, c'est
une question importante! Pouvons-nous assister impassiblement à ce qui se
produit? J'essaierai de répondre à votre question. Bien entendu, nous ne devons
pas rester impassibles. Bien sûr que non.
Mais avons-nous les
moyens de faire face à ces menaces? Oui, nous les avons. Il suffit de se
rappeler l'histoire récente. Le passage à la démocratie n'a-t-il pas été
pacifique dans notre pays? Le régime soviétique a subi une transformation
pacifique, malgré la grande quantité d'armes, y compris nucléaires, dont il
disposait! Pourquoi donc faut-il bombarder et pilonner aujourd'hui à tout bout
de champ? Manquerions-nous de culture politique, de respect pour les valeurs
démocratiques et le droit, en l'absence d'une menace d'extermination
réciproque?
Je suis certain que
la Charte des Nations unies est l'unique mécanisme d'adoption de décisions sur
l'emploi de la force en tant que dernier recours. Dans cet ordre d'idées, ou
bien je n'ai pas compris ce qui vient d'être déclaré par notre collègue
ministre italien de la Défense, ou bien
il ne s'est pas exprimé clairement. En tout cas, j'ai entendu ce qui suit:
l'usage de la force ne peut être légitime que si cette décision a été prise par
l'OTAN, l'Union européenne ou l'ONU. S'il l'estime effectivement, alors nos
points de vue sont différents. Ou bien j'ai mal entendu. L'usage de la force
n'est légitime que sur la base d'un mandat des Nations unies. Il ne faut pas
substituer l'OTAN et l'Union européenne à l'Organisation des Nations unies.
Lorsque l'ONU réunira réellement les forces de la communauté internationale qui
pourront réagir efficacement aux événements dans certains pays, lorsque nous
nous débarrasserons du mépris du droit international, la situation pourra
changer. Sinon, elle restera dans l'impasse et les lourdes erreurs se
multiplieront. Il faut oeuvrer pour que le droit international soit universel
aussi bien dans sa compréhension que dans l'application de ses normes.
Il ne faut pas
oublier qu'en politique, le mode d'action démocratique suppose nécessairement
une discussion et une élaboration minutieuse des décisions.
Mesdames et messieurs!
Le risque potentiel de
déstabilisation des relations internationales tient également à l'absence
évidente de progrès dans le domaine du désarmement.
La Russie se prononce
pour la reprise du dialogue à ce sujet.
Il est très important
d'appliquer les normes juridiques internationales en matière de désarmement,
tout en poursuivant la réduction des armements nucléaires.
Nous avons convenu
avec les Etats-Unis de ramener nos charges nucléaires équipant les vecteurs
stratégiques à 1700 - 2 200 unités d'ici au 31 décembre 2012. La Russie a
l'intention de respecter strictement ses engagements. Nous espérons que nos
partenaires agiront en toute transparence, eux aussi, et ne garderont pas sous
le coude quelques centaines de charges nucléaires pour les "mauvais jours".
Donc, si le nouveau ministre américain de la Défense annonce que les Etats-Unis
se garderont de mettre leurs charges excédentaires en stock, ni de les
dissimuler "sous un coussin" ou "sous une couverture", je
vous demanderai de vous lever pour applaudir ses paroles. Ce serait une
déclaration très importante.
La Russie respecte
strictement le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et le
régime multilatéral de contrôle de la technologie des missiles, et elle a
l'intention de les respecter à l'avenir également. Les principes à la base de
ces documents revêtent un caractère universel.
A cette occasion, je
tiens à rappeler que dans les années
1980, l'URSS et les Etats-Unis ont signé un Traité sur l'élimination des
missiles à moyenne et plus courte portée sans toutefois conférer de caractère
universel à ce document.
A l'heure actuelle,
toute une série de pays possèdent des missiles de cette classe: la République
populaire démocratique de Corée, la République de Corée, l'Inde, l'Iran, le
Pakistan, l'Etat d'Israël. De nombreux autres pays sont en train de concevoir
ces systèmes et envisagent d'en doter leurs forces armées. Or, seuls les
Etats-Unis d'Amérique et la Russie restent fidèles à leur engagement de ne pas
construire ces armes.
Il est clair que dans
ces conditions nous sommes obligés de veiller à assurer notre sécurité.
En même temps, il
faut empêcher l'apparition de nouveaux types d'armes de pointe susceptibles de
déstabiliser la situation. Je ne parle pas des mesures visant à prévenir la
confrontation dans de nouveaux milieux, surtout dans l'Espace. On sait que les
"guerres des étoles" ne relèvent plus de la fiction, mais de la
réalité. Dès le milieu des années 1980, nos partenaires américains ont réussi à
intercepter un de leurs satellites.
Selon la Russie, la militarisation de l'Espace est
susceptible d'avoir des conséquences imprévisibles pour la communauté mondiale,
conséquences qui ne seraient pas moins graves que l'avènement de l'ère
nucléaire. C'est pour cela que nous avons maintes fois lancé
des initiatives visant à prévenir le déploiement d'armes dans l'Espace.
Aujourd'hui, je tiens
à vous dire que nous avons préparé un projet de Traité sur le non-déploiement d'armes dans l'Espace. D'ici peu, nous
l'enverrons à nos partenaires en qualité de proposition officielle. Je propose
de travailler ensemble sur ce document.
En ce qui concerne
les projets prévoyant le déploiement en Europe d'éléments du système de défense
antimissiles, ils ne manquent pas non plus de nous inquiéter. Qui a besoin
d'une nouvelle relance - inévitable en l'occurrence - de la course aux
armements? Je doute fort que ce soient les Européens.
Aucun des pays dits
"à problèmes" ne possède de missiles ayant une portée de l'ordre de 5
000 à 8 000 kilomètres et susceptibles de menacer l'Europe. Mieux, dans un
avenir prévisible, leur apparition dans ces pays n'est pas envisageable. Je
dirais même plus: une tentative de lancer un missile nord-coréen, par exemple,
vers les Etats-Unis via l'Europe serait contraire aux lois de la
balistique".
Profitant de mon
séjour en Allemagne, je tiens à évoquer la crise que traverse le Traité sur les
forces armées conventionnelles en Europe.
Signé en 1999, ce
Traité était adapté à une nouvelle réalité géopolitique: le démantèlement du
bloc de Varsovie. Sept ans se sont écoulés depuis, mais il n'a été ratifié que
par quatre pays, dont la Fédération de Russie.
Les pays de l'OTAN
ont ouvertement déclaré qu'ils ne ratifieraient pas le Traité, dont les
dispositions relatives aux limitations dans la zone des "flancs"
(déploiement sur les "flancs"
d'un certain nombre de forces armées) tant que la Russie ne procéderait pas au
retrait de ses bases de la Géorgie et de la Moldavie. Le retrait de nos troupes
de la Géorgie est en cours et ce, à un rythme accéléré. Tout le monde sait que
nous avons déjà réglé ces problèmes avec nos collègues géorgiens. Quant à la
Moldavie, on y trouve pour le moment une formation de 1 500 militaires chargés
de maintenir la paix et de protéger les entrepôts de munitions qui y subsistent
depuis l'époque soviétique. Nous discutons en permanence de cette question avec
Monsieur Solana: il connaît bien notre position. Nous
sommes prêts à aller plus loin dans cette direction.
Mais que se passe-t-il
pendant ce temps-là? Eh bien, on voit apparaître en Bulgarie et en Roumanie des
"bases américaines légères avancées" de 5 000 militaires chacune. Il
se trouve que l'OTAN rapproche ses forces avancées de nos frontières, tandis
que nous - qui respectons strictement le Traité - ne réagissons pas à ces
démarches.
Il est évident, je
pense, que l'élargissement de l'OTAN n'a rien à voir avec la modernisation de
l'alliance, ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c'est un facteur
représentant une provocation sérieuse et abaissant le niveau de la confiance
mutuelle. Nous sommes légitimement en droit de demander ouvertement contre qui
cet élargissement est opéré. Que sont devenues les assurances données par nos
partenaires occidentaux après la dissolution du Pacte de Varsovie? Où sont ces
assurances? On l'a oublié. Néanmoins, je me permettrai de rappeler aux
personnes présentes dans cette salle ce qui a été dit. Je tiens à citer des
paroles tirées du discours de M. Werner, alors Secrétaire général de l'OTAN,
prononcé à Bruxelles le 17 mais 1990: "Que nous soyons prêts à ne pas
déployer les troupes de l'OTAN à
l'extérieur du territoire de la RFA, cela donne à l'Union soviétique des
garanties sûres de sécurité". Où sont aujourd'hui ces garanties?
Les blocs de béton et
les pierres du Mur de Berlin sont depuis longtemps des souvenirs. Mais il ne
faut pas oublier que sa chute est devenue possible notamment grâce au choix
historique de notre peuple - le peuple de Russie - en faveur de la démocratie
et de la liberté, de l'ouverture et du partenariat sincère avec tous les
membres de la grande famille européenne.
Or, maintenant, on
s'efforce de nous imposer de nouvelles lignes de démarcation et de nouveaux
murs. Même s'ils sont virtuels, ils ne manquent pas de diviser, de
compartimenter notre continent. Faudra-t-il à nouveau des années et des
décennies, une succession de plusieurs générations de responsables politiques
pour démanteler ces murs?
Mesdames, Messieurs!
Nous préconisons le
renforcement du régime de non-prolifération. L'actuelle base juridique
internationale permet de mettre au point des technologies de production de
combustible nucléaire pour l'utiliser ensuite à des fins pacifiques. Et bon
nombre d'Etats veulent, à juste titre,
développer leur propre nucléaire civil en tant que base de leur indépendance
énergétique. En même temps, nous comprenons que ces technologies peuvent se
transformer rapidement en know-how pour la production de matériaux nucléaires
militaires.
Cela suscite une grave
tension internationale. La situation autour du programme nucléaire iranien en
est un exemple éclatant. Si la communauté internationale n'élabore pas de
solution raisonnable à ce conflit d'intérêts, le monde sera ébranlé, à l'avenir
également, par ce genre de crises déstabilisatrices, car l'Iran n'est pas
l'unique pays du seuil, et nous ne le savons que trop, nous et vous. Aussi,
nous serons en permanence confrontés à la menace de prolifération des armes de
destruction massive (ADM).
L'année dernière, la
Russie a proposé de créer des centres
d'enrichissement d'uranium multinationaux. Nous acceptons que de tels centres
se créent non seulement en Russie, mais aussi dans d'autres pays où le
nucléaire civil se développe sur une base légale. Les Etats cherchant à
développer leur nucléaire civil pourraient recevoir du combustible, en
participant directement au travail de ces centres, évidemment, sous le contrôle rigoureux de l'Agence internationale
de l'énergie atomique (AIEA).
Or, les dernières
initiatives du président des Etats-Unis, George W. Bush, sont à l'unisson de
cette initiative russe. Je pense que la Russie et les Etats-Unis sont
objectivement et également intéressés au durcissement
du régime de non-prolifération des armes de
destruction massive et de leurs vecteurs. Et ce sont justement nos deux pays,
leaders pour leur potentiel nucléaire et balistique, qui doivent,
eux aussi, devenir leaders de la mise au point de nouvelles mesures plus
rigoureuses en matière de non-prolifération.
La Russie est prête à effectuer un tel travail. Nous menons des
consultations avec nos amis américains.
Somme toute, il doit
y être question de la mise en place de tout un système de leviers politiques et
de stimulants économiques qui n'incitent pas les Etats à créer leurs propres
capacités en matière de cycle du
combustible nucléaire, mais leur permettent de développer leur nucléaire
civil, en renforçant ainsi leur potentiel énergétique.
A cette occasion, je
tiens à parler plus en détail de la coopération énergétique internationale. Mme
la chancelière fédérale en a parlé, elle aussi, bien que brièvement. Dans la
sphère énergétique, la Russie s'oriente vers l'élaboration de principes de
marché et de conditions transparentes qui soient les mêmes pour tous. Il est
évident que le prix des hydrocarbures doit être établi par le marché et ne doit
pas faire l'objet de spéculations politiques ni de pressions ou de chantages
économiques.
Nous sommes ouverts à
la coopération. Des compagnies étrangères participent à nos plus grands projets
économiques. Selon différentes évaluations, jusqu'à 26% de l'extraction de
pétrole en Russie reviennent - réfléchissez bien à ce chiffre - jusqu'à 26% de
l'extraction de pétrole en Russie reviennent au capital étranger. Essayez donc
de me citer un exemple de présence aussi large du business russe dans les
branches clés de l'économie des Etats d'Occident. Il n'y en a pas !
Je tiens aussi à
rappeler la proportion d'investissements arrivant en Russie et partant de
Russie vers d'autres pays du monde. Ce rapport est à peu près de quinze pour
un. Voilà un exemple éclatant de l'ouverture et de la stabilité de l'économie
russe.
La sécurité
économique est une sphère où tous doivent s'en tenir à des principes uniques.
Nous sommes prêts à une concurrence loyale.
L'économie russe a de
plus en plus de possibilités pour cela. Cette dynamique est objectivement
évaluée par des experts et nos partenaires étrangers. Récemment, par
exemple,la Russie a été mieux notée au
sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE):
notre pays est passé notamment du groupe à risque 4 au groupe 3. Profitant de
l'occasion, ici, aujourd'hui à Munich, je voudrais remercier tout
particulièrement nos collègues allemands de leur concours à l'adoption de la
décision évoquée.
Continuons. Comme
vous le savez, le processus d'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale
du Commerce (OMC) est entré dans sa phase finale. Je rappellerai qu'au cours
des négociations longues et difficiles, nous avons plus d'une fois entendu des
paroles sur la liberté d'expression, la liberté de commerce et des possibilités
égales, mais seulement quand il s'agissait du marché russe.
Et encore un thème
très important qui influe directement sur la sécurité globale. On parle
beaucoup aujourd'hui de la lutte contre la pauvreté. Mais qu'est-ce qui se produit en réalité? D'une part, des
ressources financières - et souvent importantes - sont allouées à des
programmes d'assistance aux pays les plus pauvres. Quoi qu'il en soit, et
beaucoup le savent ici également, il n'est pas rare que les compagnies des pays
donateurs eux-mêmes "les utilisent". D'autre part, l'agriculture dans
les pays industrialisés est toujours subventionnée, alors que l'accès des
hautes technologies est limité pour d'autres.
Appelons donc les
choses par leurs noms: il s'avère qu'une main distribue les "aides
caritatives", alors que l'autre entretient l'arriération économique, mais
récolte aussi des bénéfices. La tension sociale surgissant dans de telles
régions dépressives se traduit inévitablement par la croissance du radicalisme
et de l'extrémisme, tout en alimentant le terrorisme et les conflits locaux. Et
si tout cela se produit de surcroît, par exemple, au Proche-Orient dans le contexte
d'une vision aggravée du monde extérieur, en tant que monde injuste, une
déstabilisation globale risque de se produire.
Il va sans dire que
les principales puissances mondiales doivent voir cette menace et organiser,
par conséquent, un système plus démocratique et plus équitable de rapports
économiques qui donne à tous une chance et une possibilité de développement.
Intervenant à une
conférence sur la sécurité, on ne peut pas, non plus, Mesdames et Messieurs,
passer sous silence l'activité de l'Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE). L'OSCE a été créée pour examiner tous les
aspects, je tiens à le souligner, tous les aspects de la sécurité, qu'il
s'agisse des aspects politico-militaires, économiques ou humanitaires et ce,
dans leurs rapports réciproques.
Mais que voyons-nous
aujourd'hui en réalité? Nous voyons que cet équilibre est manifestement
perturbé. On essaie de transformer l'OSCE en instrument vulgaire au service des
intérêts politiques extérieurs d'un seul pays ou d'un groupe de pays à l'égard
d'autres Etats. Et c'est pour cette tâche, que l'on a aussi "monté de
toutes pièces" l'appareil bureaucratique de l'OSCE qui n'est nullement lié
aux Etats fondateurs. On a "monté de toutes pièces" pour cette tâche
également les procédures d'adoption des décisions et d'utilisation des fameuses
"organisations non gouvernementales (ONG)". Formellement, il s'agit
effectivement d'organisations indépendantes, mais financées rationnellement et,
par conséquent, contrôlées.
Conformément aux
documents fondateurs, dans la sphère humanitaire, l'OSCE est appelée à accorder
aux pays membres, à leur demande, un concours en matière de respect des normes
internationales dans le domaine des droits de l'homme. C'est une importante
mission. Nous la soutenons. Mais cela ne signifie pas qu'on peut s'ingérer dans
les affaires intérieures d'autres pays et encore moins tenter de leur dicter la
manière dont ils doivent vivre et se développer.
Il est parfaitement
évident qu'une telle ingérence ne contribue pas du tout à la maturation d'Etats
authentiquement démocratiques. Par contre, elle les rend dépendants, avec comme
conséquence l'instabilité sur les plans économique et politique.
Nous espérons que
l'OSCE se guidera sur ses tâches immédiates et organisera ses relations avec
des Etats souverains sur la base du respect, de la confiance et de la
transparence. Mesdames, Messieurs!
En conclusion, je
voudrais retenir ceci. Nous entendons très souvent - et je les entends
personnellement - les appels de nos
partenaires, y compris nos partenaires européens, exhortant la Russie à jouer
un rôle de plus en plus actif dans les affaires internationales.
Je me permettrai à
cette occasion une petite remarque. Nous n'avons pas besoin d'être éperonnés ou
stimulés. La Russie a une histoire millénaire, et pratiquement elle a toujours
eu le privilège de pratiquer une politique extérieure indépendante.
Nous n'avons pas
l'intention aujourd'hui non plus de faillir à cette tradition. En même temps, nous
voyons que le monde a changé et nous évaluons avec réalisme nos propres
possibilités et notre propre potentiel. Et évidemment nous voudrions aussi
avoir affaire à des partenaires sérieux et tout aussi indépendants avec
lesquels nous pourrions travailler à l'édification d'un monde plus démocratique
et plus équitable, tout en y garantissant la sécurité et la prospérité non
seulement des élites, mais de tous.
Je vous remercie de
votre attention. La politique de Vladimir Poutine (Essai pour une approche satirique de la politique) |